Et toi, à quoi t’as joué ? #2018

Après le raz-de-marée de 2017, l’année 2018 s’annonçait elle aussi comme un cru exceptionnel. Des cowboys en pleine rédemption, des fils de dieu en pérégrination nordique, des frères du Smash pas si loin du champ de bataille à l’honneur et l’énième odyssée d’un assassin, au bas mot. Alors oui, l’année fut remplie de mastodontes vidéoludique, du AAA bien gras qui a fait le café et qui a ravi les joueurs dans l’ombre de l’ogre Fortnite qui monte en puissance. Mais ce ne sera pas le sujet de cet article. Car oui, du côté des indés, on s’est aussi bougé et on a su sortir quelques pépites au milieu des centaines de jeux qui sortent chaque semaine. Pas le temps de niaiser, il y a une nouvelle année qui pointe déjà le bout de son nez. Je vous parle donc de mes 3 champions pour cette année 2018, qui ont encore une fois monopolisé mon temps, mon argent et mon coeur.

#3 : La croisière s’assure – Return of the Obra Dinn

Comme dirait Usul, en effet il y a deux sortes de joueurs », ceux qui aiment être pris par la main, et les autres. Si l’occasion de se laisser dériver au fil du récit et des niveaux d’un jeu ne m’est parfois pas désagréable, j’aime aussi le plus souvent me perdre dans un jeu, que ce soit par son immensité, sa liberté ou par son esprit tordu. Ma croisière sur l’Obra Dinn était donc inévitable.

 

Développé par Lucas Pope, déjà auteur du meilleur simulateur de douanier (comment ça le seul ?), Papers Please, le développeur américain réitère l’exploit de rendre ludique des taches et des métiers qui, par définition, ne le sont pas. Et cette fois-ci c’est vers le métier de l’assurance qu’il faudra se tourner.

« L’Obra dinn est de retour ! Rendez-vous à Falmouth sur-le-champ et préparez une estimation complète »

L’action se déroule en 1807. Un fameux trois mats, nommé l’Obra Dinn, disparu depuis cinq ans refait surface au large de Londres. Affrété par la Compagnie britannique des Indes orientales, ce bateau comptait lors de son départ à son bord près de 60 passagers et une cargaison de plusieurs tonnes. Il n’en est rien désormais puisque le bateau est désert hormis quelques restes humains par-ci par-là. Contacté par un commanditaire mystérieux, le joueur doit donc monter à son bord, et découvrir ce qu’il s’est passé afin de déterminer les sommes que la compagnie devra débourser afin de dédommager tout ce beau monde.

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Return of the Obra Dinn, Lucas Pope (2018)

Pour parvenir à bout de cette rude expertise , le joueur est aidé d’un registre fourni par ce fameux commanditaire. Celui-ci, au coeur du gameplay, contient diverses informations utiles au bon déroulement de l’enquête, comme la nationalité et le nom des passagers, une fresque de la vie à bord qui fera office de trombinoscope ou encore le plan de navigation du bateau. C’est aussi par lui que le joueur devra consigner chaque « sort » du personnage qu’il aura deviné.

Mais ce n’est pas tout puisque l’assureur est aussi équipé d’une montre à gousset mystique qui permet de revivre l’instant fatidique du décès d’une personne. Le joueur peut alors se déplacer librement autour de la victime afin d’étudier la scène, d’écouter les conversations à l’instant T ou de mémoriser le visage dans l’arrière-fond qui se dirige discrètement dans la pièce d’à côté , un sabre à la main.

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Return of the Obra Dinn, Lucas Pope (2018)

Au fur et à mesure qu’on découvre les premiers cadavres, le Cluedo géant se dessine doucement. Un gameplay d’enquête qui fait la part belle aux suppositions et aux fausses pistes. Pour terminer l’enquête, il faudra déterminer le sort, l’identité et les implications de chaque personne. Le capitaine a-t-il tué Madame Moutarde d’un coup de fusil ou celle-ci s’est-elle faite écraser par un monstre marin. À moins que je ne confonde avec Bernard le cuisiner. Très vite, Return of the Obra Dinn se révèle être un de ces jeux qui vous hantent (à la manière de l’excellent Her Story). Un titre capable de vous faire noircir plusieurs feuilles de papier de notes contradictoires, de vous faire lâcher votre repas sur une intuition ou même jusqu’à faire des recherches sur les tatouages polynésiens ou le vocabulaire marin du 19e siècle, comme ça juste au cas où.

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Return of the Obra Dinn, Lucas Pope (2018)

L’autre attrait de Return of the Obra Dinn qui peut pourtant en révulser plus d’un est sa direction artistique. Après le pixel art de Papers please, Lucas Pope a ici choisi de rendre hommage aux premiers jeux monochromatiques tournant sous Macintosh, Commodore et autre IBM. Un aspect 2D qui fonctionne pourtant fonctionne parfaitement en 3D, le tout tournant sous le moteur Unity. L’aspect audio est aussi à l’honneur avec une bande-son minimaliste, mais puissante et un sound design qui en plus d’être réaliste, sert aussi d’indice primordial à la résolution de certaines énigmes.

Après plusieurs heures d’intense réflexion, et la dernière page du registre refermé, le retour à la réalité est difficile. La légende de l’Obra Dinn et la destinée de ces passagers risque de vous trotter dans la tête pendant un long moment.

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Return of the Obra Dinn : An Insurance Adventure with Minimal Color, développé par Lucas Pope. Disponible sur PC & Mac.

 

#2 : L’ivresse des profondeurs – Subnautica

Il y a de ces jeux que l’on aimerait tout simplement oublier. Non pas qu’ils soient mauvais loin de là. Mais juste l’oublier assez pour avoir le plaisir éphémère de revivre cette excitation de la découverte et la douce plongée émerveillée dans un univers. Subnautica est de ces jeux.

 

Survivre, c’est à la mode. Après avoir été gavé pendant des années par de programmes où d’anciens militaires inculquent l’art de survivre en dormant dans un corps de mouton et que boire son urine, c’est loin d’être affligeant , les joueurs peuvent depuis quelques années, s’essayer à la survie en milieu hostile sans pour autant quitter leur canapé. Tu veux de la survie type Robinson Crusoë sur une ile désert ? Lance Stranded Deep. Tu veux survivre dans l’espace ? Pourquoi pas Rimworld ? Non toi, ton dada c’est le grand froid, The Long Dark est fait pour toi. Il y en a pour ainsi dire pour tous les goûts et quasiment tous les environnements ont été adaptés à la survie vidéoludique. Et les fonds sous-marin ? Eh bien, il y a Subnautica.

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Subnautica, Unknown Worlds Entertainment (2018)

Extérieur espace. Explosion. À peine rentré dans votre capsule de survie que vous voici propulsé sur une planète alien. En émergeant de l’abri, le constat est plus qu’amer. De l’eau à perte de vue, et l’épave de votre vaisseau en flammes gisant à quelques kilomètres de là. Votre seul compagnon d’infortune, l’I.A de votre combinaison qui vous invite à rapidement vous bouger les miches, d’enfiler vos palmes et d’aller voir un peu ce qui se trame en dessous du niveau de la mer afin de pouvoir survivre le temps que les secours arrivent. Et c’est là que la magie opère.

Les premières plongées font honneur à la beauté et la richesse du titre. Un véritable monde marin se dévoile au fur et à mesure des plongées. Une vaste biosphère sous-marine alien, remplie de cavités, de coraux colorés et fourmillants de bestioles en tout genre. Les premières minutes sur le jeu ne sont que découvertes. Rapidement, on se rend compte qu’en frappant les excroissances de calcaire sur les parois des fonds marins, celles ci peuvent être brisés pour obtenir du titane, du cuivre ou de l’argent. Les poissons roses peuvent servir à filtrer l’eau salée et obtenir de l’eau pure, les coraux sont essentiels dans la création d’un circuit. Peu à peu, une logique se construit.

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Subnautica, Unknown Worlds Entertainment (2018)

Si Subnautica se définit avant tout comme un survival game (puisqu’il s’agit tout de même de surveiller ses composants vitaux en permanence), il pourrait très bien revêtir les habits d’un jeu d’aventure et d’exploration puisque chaque sortie est un saut vers l’inconnu et tout autant une occasion d’être absolument émerveillé. Les premières heures sont donc un long travail de balisage et de reconnaissance de la topographie des fonds marins aux alentours. Cavernes, forêts d’algues, longs tubes de corail… Chaque lieu regorge avec des ressources spécifiques, mais aussi de ses propres prédateurs, aussi loufoque que terrifiant.

Le jeu prend aussi une dimension inattendue en réveillant le constructeur et décorateur sous-marinier qui sommeille en vous. Et on se surprend vite à passer des heures à construire patiemment la base sous-marine de ses rêves. Simple refuge et lieu de stockage ou véritable Rapture personnel, libre à chacun de se faire son odyssée. Le jeu incite pourtant dans un sens à ne pas rester statique, car afin d’améliorer votre base et votre équipement, il faudra plonger toujours plus profond et toujours plus loin afin de dénicher les blueprints et autres ressources rares nécessaires au bon avancement dans l’intrigue. Qui est ? Ah, si vous saviez.

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Subnautica, Unknown Worlds Entertainment (2018)

De la même manière qu’un Breath of the Wild, une fois terminé il est difficile de résister à la tentation de relancer une partie afin de se réfugier sous l’océan là ou tout est bien mieux, où tout l’monde est heureux, sous l’océan.

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Subnautica, développé par Unknown Worlds Entertainment. Disponible sur PC, Mac, PS4 et Xbox One.

 

#1 : Mont joie, saint Celeste

J’ai découvert Celeste à un moment un peu maussade de ma vie. Il faisait froid, il faisait gris et le moral était un peu en berne. Et comme souvent, c’est vers les jeux vidéo que je me tourne afin de guérir ce blues passager. Et ce jour-là, démarrer Celeste fut surement ma meilleure décision de l’année.
Mais pourquoi donc l’aventure tout en pixels de cette jeune fille aux cheveux roux et à l’anorak bleu représente pour moi ce qu’il s’est fait de mieux cette année dans le jeu vidéo et sur quoi, ce média doit tendre ?

 

Ce jeu est le nouveau bébé du studio Matt Makes Games de Matt Thorson, qui délaisse le brawler multijoueur de TowerFall pour s’explorer au genre masochiste du plateformer.

On y incarne Madeline, une jeune fille à la chevelure rousse qui arrive par un jour glacial dans l’Ouest canadien, au pied d’une montagne imposante, le mont Celeste. En se lançant à corps perdu dans son ascension, Madeline ne va pas seulement mettre sa vie en jeu pour réussir son objectif, mais, elle va aussi devoir affronter son pire ennemi, elle-même.

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Celeste, Matt Makes Games (2018)

Issu à l’origine d’un prototype de gamejam développé sur l’outil PICO8, Celeste fait la part belle au « die and retry », cette mécanique de jeu qui met régulièrement le joueur face à une, et le plus souvent, plusieurs morts fatidique afin qu’il s’améliore constamment pour avancer. Plusieurs titres ont d’ailleurs basé leur gameplay sur cette mécanique comme Super Meat Boy ou The End Is Nigh d’Edmund McMillen, ou encore Geometry Dash.

Aidé de différentes capacités comme d’un dash ou le fait de pouvoir s’accrocher aux parois, Madeline va devoir escalader tableau par tableau les différents niveaux et environnements du jeu, introduisant à chaque palier une nouvelle mécanique et par extension, de nouvelles difficultés.

En entamant l’ascension du mont, les joueurs doivent donc s’attendre à mourir plusieurs fois. Beaucoup en fait. Un chiffre qui peut osciller pour une centaine pour les orfèvres du timing et des sauts millimétrés à plusieurs milliers pour le joueur lambda. Chaque tableau du jeu demande en effet une maitrise à la fois des distances, du rythme, de l’environnement et parfois d’une certaine transe qui permet d’enchainer des phases qui nous semblaient deux minutes plus tôt impossible.

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Celeste, Matt Makes Games (2018)

Si le ressenti immédiat peut être brutal voir frustrant, il n’est rien face au sentiment d’accomplissement qu’il se dégage. Un peu à la manière d’un Dark Souls ou d’un Cuphead après avoir fait tombé LE boss trop tenace qui nous résiste depuis des jours. Un sentiment décuplé quand on découvre les véritables enjeux de ce jeu qui traite à la fois les thèmes de la confiance en soi, les maladies mentales et l’angoisse.

Une volonté appuyée par une bande-son magistrale orchestrée par Lena Raine, qui sait alterner avec brio entre doux morceaux rêveurs et pistes angoissantes (comme l’a bien analysé la chaine Game Score Fanfare dans une vidéo intitulé « The Anxiety of Celeste and its Music »)

Le jeu est tout aussi punitif qu’il n’en est généreux. Les plus pressés d’en finir se contenteront de monter jusqu’au sommet avant de mettre un point final à l’aventure céleste. Les plus ardus n’hésiteront pas à reprendre l’ascension d’une manière revisitée afin d’y débloquer tous les secrets. Prendre des risques pour récolter les fameuses fraises qui pullulent dans les niveaux, récupérer les cassettes audio qui renferment les Faces B des niveaux, ou encore résoudre des puzzles pour découvrir les Coeurs de la montagne demanderont beaucoup de temps et de volonté.

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Celeste, Matt Makes Games (2018)

Ainsi, on ne compte plus les heures. On ne compte plus les morts. On continue juste de s’élever au firmament. Car le plus important ce n’est pas la destination au final, mais bien le voyage. Une pure merveille.

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Celeste, développé par Matt Makes Games. Disponible sur PC, Nintendo Switch, PS4 et Xbox One.

 

Mention spéciale pour ceux au pied du podium, mais qui mérite tout de même votre temps et vos deniers :

 

Dead Cells : Le jeu des Bordelais de Motion Twin n’a pas remporté le Game Award du meilleur jeu d’action pour rien. Mourir et recommencer n’aura jamais été autant addictif dans ce metroidvania à tendance rogue-like magnifiquement animé.

 

DeltaRune  : La suite/non-suite/jeu non identifiée d’un des meilleurs RPG de ces dernières années. Seulement le premier chapitre, mais déjà beaucoup de hype pour le prochain jeu de Toby Fox.

 

The Messenger : Retour vers le futur du jeu de Ninja. The Messenger est un must-have pour les aficionados des jeux d’action cette année, avec son humour meta et sa touche rétro juste ce qu’il faut. Il pourrait même vous surprendre en cours de route…

 

GRIS : Pépite visuelle, OVNI vidéoludique. GRIS a failli chamboulé tout ce classement et mérite sa place de dernière minute dans les pépites de cette année.

 

Into The Breach : Pacific Rim qui rencontre le jeu d’échecs. Après FTL, Subset Games réussit le tour de force stratégique de cette année avec son Into the Breach qui rappelle des bons souvenirs d’Advance Wars aux plus endurcis.

 

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