Après Hypnoflip Invasion en 2011, et l’EP Terrora !! en 2012, le CROU Stupeflip revient hanter les étales de la variété française avec Stup Virus.
« – Oh là manant ! Connaîtrais-tu une bonne auberge où je puisse écouter des troubadours mélangeant rap, rock et ritournelle de variété ? – Ah non monseigneur. Et… Je pense qu’il faudra attendre plusieurs siècles avant que pareil miracle ne se produise »
Ainsi fut défini le CROU Stupeflip dans le deuxième album du groupe Stup Religion. Ce groupe au mélange détonnant survole la chanson française comme un OVNI depuis près de 14 ans. Derrière ce crew devenu culte se cache en réalité un seul homme. « Prendre des petits bouts trucs et puis les assembler ensemble, et écouter le résultat tranquille dans ma chambre » c’est ce que fait Julien Barthélemy alias King Ju depuis la première maquette confiée à son voisin de palier. Aidés par ses acolytes, Stéphane Bellenger (Cadillac) et Jean-Paul Michel (MC Salo), les trois compères endossent chacun à tour des rôles, les nombreux personnages décrits dans les albums du groupe.
Empreint d’une certaine mythologie, l’univers à la fois absurde et mystérieux de Stupeflip n’est pas étranger à son succès. Le groupe bénéficie en effet d’une communauté fidèle et investie. Théories, fan-arts et autre groupes de soutien pullulent depuis des années sur les réseaux sociaux. Le moindre inédit ou remix du groupe caché dans les méandres de YouTube est alors traqué et décortiqué par les membres de l’ASFH, l’association de stup fanatiques.
« Le truc est vivant dans les têtes même s’il est cramé dans les Fnac »
Depuis leurs débuts, Stupeflip s’est pourtant construit sur l’image d’un enfant terrible dans le paysage musical français. Tourmenté et parfois incontrôlable, le groupe accompagne la sortie de son premier disque en 2003 avec une promo efficace. Le plus souvent masqué, avec des t-shirts abordant des messages comme « VENGEANCE » ou HUMILIÉ, il sabote l’émission d’Ardisson, insulte son public, et enchaine des prestations parodiques comme un live « bordélique » chez Top of the Pops.
Adoubé par des artistes comme Jacno ou Bashung, Stupeflip marque son temps par son traitement presque thérapeutique des maux comme la solitude de l’enfance (Le spleen des petits), la drogue (le diptyque Je fume pu d’shit/J’refume du shit), la maltraitance (L’enfant fou), le tout enrobé dans un beau méli-mélo de samples et autres beats énervés et fantomatiques qui touchent juste. Et cela malgré une constante volonté de la part du groupe de s’autodétruire, comme dans un ultime fantasme punk.
En 2016 après des années d’absence, le groupe annonce une campagne de crowdfunding via la plateforme Ulule afin de financer un prochain album. Le CROU espérait obtenir par ce moyen de financement participatif près de 40 000 euros. Ils en récolteront finalement 427 972 €, en battant au passage le record européen pour le financement d’un groupe de musique. Paradoxal, Julien Barthélémy, ce musicien maudit et insatisfait passant ses journées à faire des boucles sur son ordi devient le « bras cassé qui fait un doigt d’honneur à l’industrie musicale » selon Libération.
Attention, Stup Virus
Le 3 mars, le Stup Virus entamait enfin, après quelques mois de teasing, sa lente progression. 21 titres pour ce quatrième album qui, malgré l’attente suscitée, sonne creux pour la plupart des fans. Moins fantaisiste et moins sombre, il est en réalité beaucoup plus mélancolique et plus classique dans sa forme. King Ju délaisse un peu l’univers et la mythologie Stupeflip (avec seulement un détour par le sort réservé au personnage de Pop-Hip, laissé pour mort dans Hypnoflip Invasion) pour livrer un album sur un terrain où on ne l’attendait pas forcément.
Fil rouge de l’album, on enchaine les titres de l’album par la voix de la nouvelle porte-parole du CROU, Sandrine Cacheton, une voix digitalisée et donc déshumanisée. À l’image de cette voix, l’album peut sembler froid au premier abord. L’album se veut alors pourtant plus sincère, avec un certain côté idéaliste voir naïf (notamment sur Understup). Stup Virus sonne comme un baroud d’honneur, un chant du cygne et un hommage à toutes ces années consacrées à ce groupe (dont on apprend d’ailleurs enfin, la genèse dans le morceau 1993). Ce testament, King Ju le confirme dans son interview aux Inrocks. Il ne peut plus continuer : « Je cherche plutôt à trouver la porte de sortie et je veux en sortir vite ». L’album s’achève donc en toute logique par un avis de décès (Pleure pas Stupeflip), avant de conclure sur un ultime au revoir dans Fan 2 Stup. Finalement le CROU est bel et bien mort. Tout du moins dans notre réalité.